Dans le Sud-Kivu, la tension ne cesse de grimper depuis que les combattants de l’AFC/M23 ont pris le contrôle de l’aéroport de Kavumu, à une trentaine de kilomètres de Bukavu. Ce fait, symbolique d’un conflit qui se prolonge, s’inscrit dans un contexte plus large de violences et de rivalités politiques. Le président congolais Félix Tshisekedi, intervenu depuis Munich lors de la Conférence sur la sécurité, a fermement réaffirmé son refus de tout dialogue avec le M23. « Ce n’est pas une question d’égo ou d’arrogance lorsque nous refusons de négocier directement avec le M23 », a-t-il ainsi déclaré, soulignant sa conviction que ce groupe armé n’est qu’un paravent derrière lequel se dissimule l’armée rwandaise.
Pour Tshisekedi, le refus de dialogue s’inscrit dans une logique de défense de la souveraineté nationale. Accusant ouvertement le Rwanda d’agir sous couvert du M23, il insiste sur la nécessité de maintenir une pression économique et diplomatique sur Kigali. L’approche du chef de l’État ne se limite pas à une posture politique : elle traduit une stratégie de sécurité visant à éviter toute légitimation de l’action du M23, perçu comme l’outil d’un ennemi extérieur. Par ailleurs, le président pointe du doigt son prédécesseur Joseph Kabila, qu’il accuse d’avoir, en complicité avec Kigali, orchestré une tentative de déstabilisation du pays en soutenant l’opposition armée.
Pendant ce temps, la communauté internationale multiplie les appels à un cessez-le-feu. L’Union européenne, par exemple, demande au M23 de stopper sa progression et au Rwanda de retirer ses troupes de la RDC. Pourtant, malgré ces pressions extérieures, la situation dans l’Est demeure inchangée, voire se détériore jour après jour. Les combats continuent aux abords de l’aéroport de Kavumu, tandis que Bukavu vit dans une atmosphère de tension extrême : commerces fermés et déplacements massifs de populations témoignent de la gravité du conflit.
Dans ce contexte de confrontation, un autre front s’ouvre, celui des confessions religieuses. Ces dernières se mobilisent en rencontrant les différentes parties prenantes du conflit afin de les sensibiliser à un pacte social pour la paix et le bien-être. Le président Tshisekedi a lui-même donné son aval à ces initiatives, reconnaissant que la paix durable ne peut se bâtir uniquement sur des accords politiques ou militaires, mais nécessite également une réconciliation sociale et morale entre les communautés. Ce mouvement, qui transcende les clivages traditionnels, offre une lueur d’espoir au milieu d’un paysage autrement marqué par l’affrontement.
L’approche du président Tshisekedi, fondée sur un refus catégorique du dialogue avec le M23, interroge sur la voie à suivre pour mettre fin à la spirale de violence dans l’Est de la RDC. D’un côté, la ferme détermination du gouvernement à ne pas légitimer une force perçue comme un instrument de déstabilisation extérieure semble indispensable pour affirmer la souveraineté nationale. De l’autre, l’inaction face aux appels internationaux et l’aggravation progressive des violences laissent craindre une détérioration continue de la situation sur le terrain.
La dualité entre une posture de fermeté politique et les appels à la réconciliation sociale incarne la complexité d’un conflit aux multiples dimensions. Tandis que les institutions internationales et régionales plaident pour un cessez-le-feu et des négociations, l’expérience montre que le dialogue direct avec des groupes considérés comme des prolongements d’acteurs étatiques étrangers peut s’avérer contre-productif. Dans ce dilemme, la mobilisation des confessions religieuses et la promotion d’un pacte social pour la paix apparaissent comme des leviers essentiels pour instaurer une dynamique de réconciliation, même si, à court terme, la situation semble se détériorer inexorablement.
La RDC se trouve ainsi à la croisée des chemins : l’urgence d’agir pour stopper la violence se heurte à la difficulté de trouver un terrain d’entente entre des forces aux intérêts divergents. Le défi reste de taille, et seul un effort concerté entre le gouvernement, la communauté internationale et les acteurs locaux, y compris les confessions religieuses, pourra, peut-être, amorcer une sortie de crise dans l’Est du pays.
Lydia Mangala


