Lors du troisième panel de la quatrième édition de Women Up, organisée sous le haut patronage de la général-major Justine Sheshi et de Nicole Ntumba Bwatshia à l’Institut National des Arts, Mireille Muyuka Ilofo, cheffe du département Archives et Documentation au Cadastre Minier, a dressé un portrait sans concession de la condition des femmes dans les zones d’exploitation artisanale.
Alors que le pays célèbre l’abondance de ses gisements, elle a mis en lumière une réalité plus sombre : celle d’une richesse minière qui se transforme en piège pour les femmes qui la côtoient au quotidien.
L’abondance contre l’émancipation

À première vue, la richesse en minerais or, diamant, cobalt, coltan devrait être un levier de développement pour tous. Mais, selon Mireille Muyuka Ilofo,
« cette abondance s’accompagne trop souvent de précarité plutôt que de prospérité ».
Les femmes, écartées des centres de décision, se retrouvent cantonnées aux tâches les plus pénibles de la chaîne : lavage de gravats, transport manuel, concassage à mains nues toujours dans des conditions dangereuses, sans équipement de protection ni reconnaissance. Invisibles et vulnérables, elles survivent à la marge des camps miniers.
Une précarité sanitaire et sociale chronique

Outre le travail non déclaré et l’absence de couverture sociale, ces femmes doivent affronter un système de santé inexistant.
« La maternité n’est pas prise en compte, et l’accès aux soins reste un mirage », déplore Mireille Muyuka.
En cas de complication, elles se retrouvent livrées à elles-mêmes, sans aucun filet de sécurité.
À cette détresse sanitaire s’ajoutent les violences sexuelles et le harcèlement, souvent banalisés dans ces zones. L’eau insalubre, la pollution et les conditions de vie dégradées achèvent de faire de leur quotidien un parcours de survie.
Un avenir verrouillé dès l’enfance

L’absence d’éducation et de formation technique prive ces femmes de toute perspective d’ascension professionnelle.
« Sans accès à la formation, elles sont condamnées à rester au bas de l’échelle », a souligné la conférencière.
Nombreuses d’entre elles se retrouvent cantonnées au petit commerce ou enfermées dans des mariages précoces, brisant toute tentative d’émancipation.
Une exclusion persistante des décisions locales
Dans les mécanismes de gouvernance locale, la voix des femmes reste marginalisée. Qu’il s’agisse de la gestion des revenus miniers ou de la définition des projets communautaires, leur avis est rarement pris en compte.
Cette absence de représentation alimente un cercle vicieux : sans voix, elles ne peuvent revendiquer ni égalité, ni sécurité.
Un appel à la solidarité féminine

Pour rompre ce cycle, Mireille Muyuka Ilofo a appelé à l’organisation collective.
« Je demande à ces femmes de se former et de se constituer en coopératives féminines artisanales, afin d’unir leurs forces et d’influencer les conditions de travail», dit-elle.
Ces structures leur permettraient de négocier l’accès aux technologies de concassage mécanique, d’obtenir des équipements de sécurité, et de garantir des prix de vente justes par des accords collectifs.
Mobiliser les consciences au-delà des mines
Au-delà de l’action locale, la conférencière insiste sur l’importance d’une mobilisation nationale et internationale :
« Nous devons interpeller les organisations internationales et nos gouvernements pour qu’ils apportent des solutions durables à ces femmes. », a-t-elle ajouté.
Elle suggère notamment le lancement de missions d’audit citoyen associant ONG et institutions étatiques, pour veiller à l’application des lois minières et à la protection effective des travailleurs.
Vers une paix construite par l’égalité

En exposant ces réalités, Mireille Muyuka Ilofo invite à repenser la mine non pas comme une malédiction, mais comme un levier potentiel de cohésion sociale.
Par la formation, la prise de parole collective et la solidarité, les femmes peuvent transformer une précarité imposée en puissance transformatrice.
« C’est ainsi, conclut-elle, que la richesse minière, lorsqu’elle est partagée équitablement, peut devenir un socle de paix durable en République démocratique du Congo. »
Lydia Mangala


