Depuis 48 heures, l’accès à certains réseaux sociaux, dont X, autrefois appelé Twitter, et TikTok, est restreint en République démocratique du Congo. Plusieurs utilisateurs ont signalé ces perturbations et, en réaction, certains ont recours à des VPN pour contourner les blocages. Plus alarmant encore, des plateformes comme le Play Store et l’App Store sont également inaccessibles pour certains, empêchant ainsi le téléchargement de ces outils de contournement.
Si le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) dit ne pas disposer d’informations précises sur l’origine de cette coupure, le ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (PTNTIC) évoque, de son côté, une possible panne technique. Mais cette explication peine à convaincre, surtout dans un contexte où les autorités congolaises critiquent régulièrement certaines plateformes numériques, accusées d’être des vecteurs de désinformation et de contenus inappropriés.
Le Problème fondamental: Une éducation aux médias inexistante
Si les restrictions actuelles sont motivées par des raisons de contrôle de l’espace numérique, elles soulignent surtout une faille plus profonde : l’absence d’éducation aux médias et au numérique. Aujourd’hui, un enfant de deux ans sait manipuler un smartphone avec aisance, tandis que les adultes peinent encore à comprendre les implications réelles de la surconsommation de contenu en ligne.
Nous sommes entrés dans l’ère de la « Génération Bêta », celle qui est née avec un écran tactile dans les mains. Mais si ces jeunes évoluent avec la technologie, ils le font souvent sans cadre éducatif structuré. L’éducation traditionnelle, encore ancrée dans des méthodes classiques, peine à suivre le rythme effréné de l’évolution numérique. Résultat : une utilisation anarchique des réseaux sociaux, où le sensationnel prime sur l’information, et où les algorithmes favorisent les contenus viraux au détriment des contenus éducatifs.
Cette situation est aggravée par un manque de sensibilisation à l’impact des nouvelles technologies sur la société. L’utilisation massive de TikTok, par exemple, diffère d’un pays à un autre : en Chine, les jeunes y sont exposés à des contenus éducatifs et scientifiques ; en RDC, la plateforme est souvent associée à des défis dangereux ou à des tendances virales superficielles.
Si les réseaux sociaux sont aujourd’hui dans la ligne de mire des autorités, une nouvelle révolution est déjà en marche : l’intelligence artificielle générative. Cette technologie, capable de produire du texte, des images et même des vidéos ultra-réalistes, pourrait amplifier la crise de la désinformation si elle n’est pas bien encadrée.
L’infobésité, soit la surcharge d’informations, va encore s’intensifier, et les algorithmes risquent de propulser des contenus trompeurs à une vitesse encore jamais vue. Pourtant, au lieu de combattre ces outils, la véritable question devrait être : comment les exploiter intelligemment ? L’IA, tout comme le numérique, est une opportunité pour de nombreux secteurs, mais son potentiel ne sera jamais pleinement exploité tant que l’éducation aux médias restera absente des priorités.
En l’absence d’une véritable politique d’éducation numérique, les restrictions actuelles sur X et TikTok risquent d’être une bataille vaine. Car si l’objectif est de limiter la propagation de certains contenus, ces interdictions ne feront qu’accentuer l’usage des VPN et pousser les utilisateurs à chercher d’autres alternatives.
Plutôt que de censurer, il est urgent d’enseigner. Réguler l’espace numérique sans éduquer les citoyens à son utilisation revient à poser des pansements sur une plaie ouverte. Le défi des prochaines années sera donc de mettre en place une réelle pédagogie des médias et du numérique, pour éviter que la désinformation, amplifiée par l’IA, ne devienne incontrôlable.
La restriction des plateformes numériques est-elle une solution temporaire ou une fuite en avant ? Une chose est certaine : tant qu’il n’existera pas d’éducation aux médias en RDC, ces blocages ne feront que masquer un problème bien plus profond.
Lydia Mangala


