La délégation de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC) est arrivée aujourd’hui à Goma après un long périple passant par Addis-Abeba, Kigali, Gisenyi et la grande barrière de la ville. Dans le cadre de leur démarche visant à instaurer un pacte social pour mettre fin aux violences et répondre aux enjeux humanitaires, les responsables religieux se sont réunis avec Corneille Nangaa, coordonnateur politique de l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23), ainsi qu’avec d’autres dirigeants du mouvement. Parallèlement, la délégation, qui fait suite à une étape marquante à Kinshasa, a également tenu des échanges avec l’ancien président de la CENI dans le cadre de l’initiative « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ».
Les responsables se sont exprimés longuement lors de cette rencontre, rappelant que la mission première était de sensibiliser leurs interlocuteurs et de fédérer toutes les forces vives autour d’une solution pacifique pour mettre fin aux conflits. Le prélat Monseigneur Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, a résumé la démarche en ces termes :
« Nous sommes venus justement sensibiliser à ceux qui nous ont bien accueillis. Nous sommes d’accord avec eux pour nous engager à trouver une solution pacifique le plus tôt possible pour que la guerre s’arrête. Notre priorité, c’est la paix. »
Il a poursuivi en affirmant que, dans cette dynamique, l’AFC/M23 jouait un rôle déterminant dans la construction de la paix :
« L’AFC/M23 a quand même une grande contribution dans cette dynamique de la construction de la paix. »
Les échanges ont également permis d’aborder des sujets sensibles, tels que les préoccupations des Congolais concernant la balkanisation et l’exploitation illicite des matières premières. Les représentants de CENCO-ECC ont évoqué ces inquiétudes et précisé qu’ils avaient obtenu des réponses rassurantes, confirmant que leurs interlocuteurs n’étaient pas engagés dans une logique de division ni dans une exploitation illégale.
« C’était aussi l’occasion de partager avec eux les préoccupations des Congolais sur la balkanisation et l’exploitation illicite des matières premières. Là aussi, nous avons eu des réponses assez rassurantes, selon lesquelles ils ne sont pas dans la dynamique de la balkanisation ni dans celle de l’exploitation illicite, et ils nous ont expliqué comment cela se passe. »
Dans la foulée, la délégation a insisté sur l’urgence de sortir de la crise actuelle par des moyens pacifiques. Ainsi, ils ont également plaidé pour l’ouverture du port et de l’aéroport international de Goma, soulignant que la solution ne pouvait être militaire :
« Nous avons compris que beaucoup de choses peuvent avancer par le dialogue. Nous avons fait le plaidoyer pour l’ouverture du port et de l’aéroport, mais aussi sollicité l’arrêt des hostilités, car il y a plusieurs conséquences de la guerre. »
Eric Nsenga, secrétaire général de l’ECC, a quant à lui détaillé l’approche adoptée lors de cette rencontre. Il a expliqué que l’objectif était de confronter « la réalité de droit » sur le terrain, d’écouter la population et d’aborder en profondeur les questions humanitaires et les violations des droits humains. Il a également souligné que la réunion était une occasion unique de transmettre un message fort en faveur de la paix, en insistant sur l’importance de l’écoute et de la consultation de toutes les parties prenantes :

« Si nous sommes ici, c’est pour parler de la réalité de droit, voir ce que vit la population ici sur place, et aborder également les questions liées à l’humanitaire, parce que vous avez appris qu’on négociait sur les droits humanitaires mais aussi sur toutes ces questions de violations de droits humains. Il était important pour nous de discuter calmement avec les acteurs présents, de prodiguer nos conseils et de montrer à quel point la paix est une nécessité incontournable. Nous sortons de cette audience très satisfaits dans la mesure où nous avons convergé nos vies sur la nécessité de la paix. Que ce soit les acteurs ici, l’AFC/M23 a vite compris que même les armes ne donnent pas la paix si les hommes ne se décident pas à s’asseoir et discuter. C’est ce qui nous donne l’assurance. »
Poursuivant son exposé, Eric Nsenga a ajouté que la démarche actuelle ne relevait pas encore du dialogue officiel, mais d’une phase d’écoute visant à rassembler toutes les voix, qu’il s’agisse d’acteurs clés ou de personnes ressources, pour enrichir la réflexion collective à l’échelle nationale :
« Je voudrais ici préciser que nous ne parlons pas encore de dialogue, mais que nous sommes à l’étape d’écoute. Nous sommes en train d’écouter toutes les parties prenantes, les acteurs clés ou les personnes ressources, qui pourront enrichir la réflexion et nous mettre ensemble autour d’une dynamique nationale pour que les Congolais réfléchissent. »
Il a ensuite confirmé que, même si aucun pacte n’avait encore été rédigé, l’initiative avait démarré dès Kinshasa et se poursuivrait désormais à Goma, pour ensuite s’étendre au-delà des frontières avant de revenir dans la capitale afin d’annoncer les prochaines étapes :
« Nous n’avons pas encore écrit un pacte, nous avons proposé l’initiative, voilà pourquoi nous approchons toutes les parties. Nous avons commencé à Kinshasa, et là c’est l’étape extérieure de Kinshasa, donc Goma, puis nous allons voir l’extérieur du pays et nous rentrerons à Kinshasa pour faire l’écho de la première étape et, à cette occasion, nous annoncerons les étapes suivantes. »
Dans un contexte où la situation sécuritaire et humanitaire dans l’Est de la RDC continue de se dégrader, l’initiative portée par l’Église catholique et l’Église protestante se distingue par sa volonté d’impliquer l’ensemble des forces vives du pays. Cette démarche, qui vise à consulter la classe socio-politique en vue d’un rassemblement national, s’inscrit dans le cadre d’un projet plus large intitulé « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». Le prélat Donatien Nshole a résumé l’esprit de cette tournée d’échanges :
« Nous avons commencé une tournée de personnalités importantes à impliquer dans cette dynamique, et nous avons pensé que l’AFC/M23 avait une grande contribution à apporter dans la construction de la paix, parce que pour les deux églises l’année 2025 est l’année de la paix, notre priorité. Voilà pourquoi nous sommes venus les exhorter, les écouter et, en même temps, à travers Monseigneur Willy Ngumbi, évêque de Goma, écouter la population, savoir comment vivent les gens ici et comprendre ce qui se passe. Je salue l’accueil qui nous a été réservé. »
Le prélat a également souligné que, lors des échanges, l’AFC/M23 représentée par Corneille Nangaa avait expliqué les raisons de son agir, ce qui avait renforcé la détermination des responsables religieux à poursuivre leurs efforts pour ramener la paix :
« L’AFC/M23, représentée par Corneille Nangaa, nous a expliqué les raisons de leur agir. Ce n’est pas à moi de le dire, car je ne suis pas leur porte-parole, mais en les écoutant, nous avons compris qu’il y a beaucoup de choses qui pourront être réglées si les Congolais se mettaient autour d’une table. »
Par ailleurs, la réunion a permis d’aborder d’autres enjeux cruciaux, notamment l’exploitation illicite des matières premières et la peur de la balkanisation, des sujets particulièrement sensibles dans le contexte sécuritaire actuel de la région :
« C’était aussi l’occasion de partager avec eux les préoccupations des Congolais sur la peur de la balkanisation et l’exploitation illicite des matières premières. Là aussi, nous avons eu des réponses assez rassurantes indiquant qu’ils ne sont pas dans la dynamique de la balkanisation ni dans celle de l’exploitation illicite, et ils nous ont expliqué comment cela se passe dans ces domaines. »
Enfin, sur la question des infrastructures, la CENCO et l’ECC ont fermement plaidé pour la réouverture de l’aéroport international de Goma, ainsi que d’autres voies facilitant l’assistance humanitaire, réaffirmant que la solution à cette crise ne résidait pas dans une approche militaire :
« C’était aussi l’occasion de faire le plaidoyer pour l’ouverture de l’aéroport international de Goma, du port, mais aussi pour obtenir l’arrêt de la guerre le plus tôt possible, car nous restons convaincus que la solution à cette crise n’est pas militaire. »
Cependant, cette initiative d’impliquer toutes les composantes de la société ne fait pas l’unanimité. Des acteurs politiques tels que l’Union sacrée de la nation (USN) et le parti UDPS/Tshisekedi ont rejeté cette démarche, la qualifiant « d’individuelle » et plaidant pour le maintien des processus existants, notamment ceux menés à Luanda sous l’égide de João Lourenço et à Nairobi sous celle d’Uhuru Kenyatta.
Cette réunion, riche en échanges et en engagements, illustre la volonté sincère des responsables religieux d’œuvrer pour un avenir pacifique en RDC. Face à une situation sécuritaire et humanitaire préoccupante, l’ECC et la CENCO misent sur l’écoute, la consultation et la participation active de tous les acteurs pour forger ensemble un pacte social qui redonnera espoir à la population congolaise.
Lydia Mangala


