Kinshasa, octobre 2025, depuis sa nomination à la tête du Ministère de la Justice, Guillaume Ngefa a tracé une ligne claire : celle de la rupture. Comme le souligne Me Prince Lukeka dans une tribune publiée cette semaine, le ministre a refusé la facilité d’une gestion routinière pour s’engager sur la voie, exigeante et périlleuse, de la réforme en profondeur. Son objectif : affronter les habitudes de corruption, démanteler les réseaux d’influence et briser les connivences qui minent le système judiciaire congolais depuis des décennies.
Un signal fort : suspendre pour assainir
Parmi les premières mesures fortes, la suspension temporaire pendant cinq semaines de la délivrance de certains actes administratifs s’impose comme un acte de rupture. Loin d’un simple ajustement bureaucratique, cette décision vise à rappeler que les sceaux de l’État ne sont pas des marchandises, mais les symboles d’une autorité républicaine dont l’honneur doit être préservé.
Cette volonté de redressement n’a pas été sans conséquences. Le 29 septembre 2025, des tensions ont éclaté : pneus incendiés, bureaux assiégés, coupures d’électricité. Pour Me Lukeka, ces manifestations sont avant tout l’expression de la panique des bénéficiaires d’un système illégal désormais menacé.
S’il reconnaît l’existence de revendications sociales légitimes – notamment liées aux primes impayées –, il insiste sur un point : rien ne justifie la violence ni le sabotage. Revendiquer ses droits ne doit pas servir de prétexte à perpétuer le désordre.
Un ministre de conviction, pas de façade
Me Lukeka décrit Guillaume Ngefa comme un juriste chevronné, catholique courtois et respectueux, dont l’humanité n’exclut pas la fermeté. Il n’est pas un acteur décoratif, mais un réformateur déterminé, prêt à heurter des intérêts établis pour faire triompher le droit.
Pour lui, la lutte contre la corruption n’est ni un slogan politique, ni une posture médiatique, mais un combat de conscience. Son parcours en témoigne : fondateur de l’ASADHO, défenseur des droits humains, expert reconnu aux Nations unies, il a toujours privilégié la vérité au compromis. Son retour au pays n’est pas motivé par la nostalgie, mais par la volonté d’appliquer au service de l’État l’expérience acquise à l’international.
Le fait que des réseaux corrompus s’opposent aujourd’hui à son action prouve qu’il touche au cœur du mal.
Vers une refondation complète de l’appareil judiciaire
La suspension des actes administratifs n’est qu’une étape préliminaire d’un chantier plus vaste : celui de la refondation de la justice congolaise. Selon Me Lukeka, cette transformation s’articule autour de plusieurs priorités :
• Lutte implacable contre la corruption et l’impunité,
• Nouvelle cartographie judiciaire, afin de rapprocher la justice des citoyens,
• Réformes législatives attendues, dont la création d’un parquet financier et la modernisation du Code pénal,
• Amélioration des conditions carcérales, pour que la peine retrouve sa valeur de sanction plutôt que d’humiliation,
• Modernisation administrative, par la numérisation et la sécurisation des procédures, afin d’en finir avec les lenteurs et falsifications.
Une Justice purifiée pour une République redressée
« L’histoire de notre pays l’enseigne : les intérêts particuliers finissent toujours par céder devant la constance du droit », rappelle Me Lukeka.
Pour lui, la justice est le miroir de la République : lorsqu’elle se purifie, c’est tout l’édifice national qui se redresse.
Le choix de Guillaume Ngefa est clair : purifier pour reconstruire. Un choix qui dérange les profiteurs mais qui rend espoir au peuple. Il rappelle aux agents intègres que la fonction publique est un service, pas une rente, et promet à l’opinion une justice future fondée sur la vérité et la dignité du droit.
« Lorsque l’histoire reviendra sur ces semaines agitées, elle retiendra non pas les barricades, mais la décision d’un ministre qui plaça l’exigence de justice au-dessus des pressions et des calculs. Elle dira qu’il osa ce pari rare et nécessaire : rendre justice à la Justice », conclut Me Lukeka.
Joséphine Mawete


