Depuis quelques mois, le président Félix Tshisekedi avait émis un rejet catégorique de tout dialogue direct avec le M23, qualifiant ce mouvement de terroriste et insistant sur la nécessité de défendre la souveraineté de la RDC par la force et la fermeté.
Aujourd’hui, la proposition de médiation avancée par l’Angola marque un tournant inattendu dans la stratégie diplomatique congolaise.
Ce papier d’analyse se penche sur les raisons et implications de ce revirement, à partir des informations récemment diffusées.
Un refus historique et ses motivations
Jusqu’à récemment, Kinshasa s’était positionnée de manière intransigeante en refusant toute négociation avec le M23. Ce rejet s’expliquait par la volonté de ne pas légitimer un groupe que le gouvernement congolais jugeait responsable d’innombrables exactions et violations des droits humains dans l’Est du pays. En qualifiant le M23 de mouvement terroriste, l’administration Congolaise cherchait à préserver sa position morale et à se démarquer de toute compromission qui pourrait être perçue comme un affaiblissement de la lutte contre l’agression rwandaise.
Le rôle pivot de l’Angola dans la médiation régionale
Pour certains Congolais, la récente initiative angolaise vient bouleverser cet équilibre. Apres la brève visite de travail de Félix Tshisekedi à Luanda, la présidence angolaise a annoncé son intention d’engager des contacts directs avec le M23, dans le but d’organiser des négociations entre les deux parties.
Cette démarche, justifiée par la volonté de « négocier une paix définitive dans ce pays frère », s’inscrit dans une logique de médiation régionale, où l’Angola, en tant qu’acteur neutre et influent dans les affaires de la région des Grands Lacs, cherche à faciliter un dialogue constructif.
Un revirement stratégique de Kinshasa
Le changement de ton s’opère dans un contexte de pression internationale et régionale accrue. La démarche angolaise fait écho à des initiatives antérieures, notamment le processus de Nairobi, qui, bien que préétabli, n’avait pas réussi à convaincre Kinshasa d’ouvrir un dialogue direct avec le M23.
Le porte-parole du chef de l’État, Tina Salama, a ainsi déclaré que la RDC « prend acte » de cette initiative et attend de voir sa mise en œuvre, tout en réaffirmant l’attachement à la résolution 2773, qui condamne le soutien rwandais au M23.
Ce double message traduit une position ambivalente : d’un côté, la fermeté historique de Kinshasa, et de l’autre, une volonté pragmatique d’explorer des pistes nouvelles, sous l’impulsion d’un médiateur régional crédible.
Les enjeux et implications de ce revirement
Ce revirement de posture comporte plusieurs dimensions stratégiques et diplomatiques :
- Légitimation du dialogue : En acceptant de considérer l’initiative angolaise, Kinshasa pourrait, à terme, ouvrir la voie à des négociations directes qui, bien encadrées, permettraient de trouver un compromis visant à mettre fin aux violences.
Cependant, ce changement ne doit pas être perçu comme une reconnaissance implicite du M23, mais plutôt comme une stratégie de désescalade de la crise. - Pression internationale et régionale : L’annonce de Luanda intervient à la veille d’un sommet de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), où des chefs d’État et de gouvernement se réuniront pour examiner la situation sécuritaire en RDC. Cette convergence d’initiatives internationales augmente la pression sur Kinshasa pour qu’elle reconsidère sa position, afin d’éviter l’isolement diplomatique et de répondre aux attentes des partenaires régionaux.
- La gestion des conséquences humanitaires : La poursuite des hostilités dans l’Est de la RDC continue de générer d’importants drames humanitaires. Le dialogue, même s’il est précaire, offre l’espoir de stabiliser rapidement la région, de restaurer l’accès aux services de base et d’alléger la souffrance des populations.
- Un défi pour le Rwanda : Pour le régime de Paul Kagame, cette initiative angolaise représente un choix difficile : céder à la pression internationale en retirant ses troupes et en mettant fin à son soutien au M23, ou risquer de s’isoler davantage sur le plan diplomatique, avec des sanctions potentielles. Ce dilemme pourrait redéfinir la dynamique régionale, en forçant le Rwanda à repenser sa stratégie en Afrique.
L’initiative angolaise de relancer des négociations directes entre Kinshasa et le M23 marque un tournant dans la gestion du conflit à l’Est de la RDC. Si le gouvernement congolais, historiquement réfractaire à tout dialogue avec le M23, doit désormais envisager une ouverture sous la médiation angolaise, c’est avant tout face à une pression régionale et internationale de plus en plus forte.
Ce revirement stratégique, tout en posant des défis complexes, offre néanmoins une lueur d’espoir pour une résolution pacifique du conflit. Les prochains jours seront déterminants pour observer si cette nouvelle dynamique parvient à instaurer un dialogue constructif, apaisant ainsi l’une des crises les plus persistantes du continent africain.
Lydia Mangala


