Cher Pasteur Moïse Mbiye,
Je suis un admirateur de votre musique depuis la sortie de l’album Le Cœur de l’Agneau, et particulièrement de la chanson Est-ce que, qui demeure ma préférée.
Cependant, le message que vous avez récemment transmis m’attriste profondément.
Depuis quelque temps, je mène une réflexion sur les causes qui ont brisé la grande famille congolaise que nous formions autrefois. À cette époque, l’enfant de la tata muasi allait manger chez son oncle, le neveu chez sa tante, et celui du quartier partageait le repas chez le voisin.
Aujourd’hui, ce bel esprit de communauté s’effrite. La méfiance s’est installée dans nos quotidiens, tuant peu à peu l’harmonie et la solidarité qui faisaient notre force. Nous sommes devenus un peuple individualiste, centré sur soi. Il suffit d’observer nos embouteillages : chaque chauffeur ne pense qu’à passer avant l’autre.
La religion, le tribalisme et certaines pratiques sociales ont rendu les familles congolaises malades, faibles et inactives, aussi bien sur le plan social que culturel et spirituel.
Cher Pasteur, le Congo est avant tout un ensemble de familles. Le message que vous portez aujourd’hui, qu’il soit volontaire ou non, risque davantage de diviser ces familles déjà fragilisées. Et un pays composé de familles divisées devient inévitablement faible, prêt à être déchiré ou même balkanisé sous nos yeux.
Souvenons-nous du rôle des missionnaires en Afrique : ils prétendaient nous apporter la civilisation tout en nous privant de nos richesses culturelles, de nos coutumes et de nos œuvres d’art, qu’ils qualifiaient de sorcellerie. Paradoxalement, ces mêmes objets sont aujourd’hui exposés avec fierté dans leurs musées — comme celui de Tervuren, en Belgique.
Pourquoi détruire la cellule familiale, socle de toute société ?
Cher Pasteur, tant que nos petites familles seront désarmées et affaiblies par ce type de discours, vous participerez — malgré vos bonnes intentions — à la destruction du grand Congo.
Nous ne pouvons espérer un Congo fort, uni et prospère sans entretenir l’unité, l’amour et la fraternité dans nos familles, nos rues et nos quartiers.
Le politicien use du tribalisme,
Le pasteur et le prophète brandissent la peur de la sorcellerie,
Le musicien flatte par le djalelo,
Et le journaliste succombe au fanatisme.
Le résultat est tragique. Il est temps que nous nous réveillions.
Je vous sais intelligent et éclairé, cher Pasteur, et j’espère que vous choisirez de nous prêcher désormais l’unité, la paix et la réconciliation dans nos familles — car c’est là que commence le véritable renouveau du Congo.
Ainsi, ensemble, nous pourrons porter les aspirations d’un Congo grand, uni et prospère.
P.S. : La “sorcellerie” que nous dénonçons parfois peut aussi se cacher derrière des services bien plus modernes… tels que ceux d’un simple traiteur.
Ados Ndombasi Banikina
Admirateur du Pasteur Moïse Mbiye


