Dans une interview accordée au New York Times, le Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a dressé un tableau alarmant de la situation sécuritaire dans l’Est du pays, dénonçant une invasion rwandaise déguisée sous la bannière du groupe armé M23. Face à cette crise qui ne cesse de s’aggraver, il appelle les puissances occidentales à une prise de position plus ferme et propose un partenariat stratégique avec les États-Unis et l’Europe pour exploiter les ressources minières du Congo, actuellement dominées par la Chine.
Le chef de l’État congolais assimile l’agression en cours à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mettant en avant le soutien direct du Rwanda aux rebelles du M23. Il fustige le rôle de l’Union européenne, qui a récemment conclu un accord avec Kigali pour l’accès à des minerais tels que l’or, l’étain et le tungstène, alors que, selon lui, ces ressources sont illégalement pillées sur le sol congolais. Pour Tshisekedi, ce partenariat est une trahison et démontre une complicité occidentale dans le pillage des richesses du Congo. Il en appelle à une révision de ces accords, arguant que toute tentative de pacification dans la région sera vaine tant que le Rwanda continuera de bénéficier d’un soutien tacite de la communauté internationale.
L’interview révèle un président en quête de solutions concrètes. Conscient de la faiblesse de l’armée congolaise face à un ennemi soutenu par un État puissant, il mise sur la pression diplomatique et économique pour contraindre Kigali à reculer. Il dénonce le double jeu du président rwandais Paul Kagame, qu’il qualifie de « seigneur de guerre » animé par une « obsession d’être le prédateur ultime » dans la région. Tshisekedi insiste sur le fait que le M23 n’est qu’une façade pour dissimuler l’ingérence militaire rwandaise et justifier le pillage des ressources minières congolaises, en particulier le coltan, essentiel pour l’industrie technologique mondiale.
L’escalade du conflit, qui a déjà conduit à la prise de Goma et Bukavu par le M23, met Kinshasa dans une situation critique. Alors que l’administration américaine a récemment sanctionné un ministre rwandais et un porte-parole du M23, Tshisekedi estime que ces mesures restent insuffisantes. Il plaide pour des sanctions économiques plus dures contre le Rwanda, notamment en mettant fin aux financements internationaux dont bénéficie Kigali. Il exhorte également l’ONU à prendre des mesures décisives, soulignant que la seule réponse que comprend Kagame est celle de la force.
Mais au-delà de l’urgence militaire et diplomatique, le président congolais veut repositionner la RDC comme un acteur clé dans la géopolitique mondiale. Il évoque un possible accord stratégique avec les États-Unis pour garantir un approvisionnement sécurisé en minerais critiques, à l’instar du cobalt et du coltan, indispensables aux nouvelles technologies et aux énergies renouvelables. Cette initiative pourrait non seulement réduire la dépendance des puissances occidentales à la Chine, mais aussi renforcer la souveraineté économique du Congo et offrir un levier de négociation face aux agressions extérieures.
Toutefois, cette ambition se heurte à une réalité politique complexe. Le Rwanda, en plus de bénéficier de son image de partenaire stable auprès des puissances occidentales, a su entretenir des relations solides avec les grandes institutions financières mondiales. De plus, les récentes initiatives diplomatiques africaines visant à résoudre la crise par le dialogue ont échoué, Kagame refusant tout cessez-le-feu et boycottant les discussions de paix.
La situation en RDC atteint un tournant critique. La menace d’une guerre régionale est plus que jamais réelle, et la prise de Kinshasa par le M23, bien que difficile à envisager à court terme, est une crainte exprimée par certains analystes. Tshisekedi, acculé, tente d’impliquer les grandes puissances dans un jeu d’alliances pour contrer cette menace existentielle. Mais la question demeure : la communauté internationale prendra-t-elle enfin ses responsabilités face à ce qui s’apparente à une guerre d’agression menée par un pays voisin contre le Congo ?
La rédaction


