Dans le cadre de la campagne mondiale Octobre Rose, le Ministère du Genre et de la Promotion de l’Étudiant de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), a organisé ce vendredi 24 octobre 2025, une conférence d’échanges autour de la santé de la femme et de la prévention du cancer du sein.
Tenue dans la salle J de la Faculté de Polytechnique, cette rencontre a réuni des professionnels de la santé, des enseignants, des étudiants et des responsables associatifs, tous unis autour d’un même mot d’ordre : prévenir, sensibiliser et briser les tabous.
Sous la modération de Ruth Lukalu et David Mompeti Sampela, deux panels se sont succédé, animés par des intervenants de haut niveau dont Sharufa Amisi, Présidente de la Fondation Bomoko; Prof. Gertrude Luyeye; Prof. Ruth, Robert Ndiadia, coordonnateur de Mentalist; Dr. Furaha Sada Hôpital de la Police ainsi que des représentants étudiants et institutionnels.
Sharufa Amisi: « Un simple partage peut sauver une vie »
En premier, la présidente de la Fondation Bomoko, Mne Sharufa Amisi, est intervenue pour témoigner de son engagement né d’une expérience personnelle douloureuse qui est celle la perte de proches atteints du cancer du sein.
Sa fondation, créée en 2017, agit sur trois axes notamment la sensibilisation, le dépistage précoce et l’accompagnement des malades.
Elle a appelé les étudiants à devenir des relais de sensibilisation dans leurs milieux.
« Parlez du cancer du sein à vos familles, à vos proches, sur vos réseaux sociaux. Vous ne savez pas combien un simple partage peut sauver une vie », a-t-elle déclaré.

Elle a également rappelé que la maladie touche non seulement les patientes, mais aussi leurs familles, tant sur le plan moral que financier.
« Le cancer du sein n’est plus une fatalité. Plus tôt on se fait dépister, mieux on se soigne. Faites l’autopalpation, allez vous faire dépister dès 35 ans et brisons ensemble le tabou autour du cancer », a-t-elle ajouté à l’issue de son intervention dans une interview à ZolaNews.net.
Gertrude Luyeye : « Le cancer du sein n’est plus une fatalité »
Avec une pédagogie limpide, la Professeure Gertrude Luyeye, oncologue et chercheuse, a expliqué les causes, signes et facteurs de risque du cancer du sein.
Elle a rappelé que la maladie reste souvent silencieuse pendant plusieurs années avant qu’une masse ne soit détectable.
« Le cancer du sein n’est pas une malédiction, c’est une prolifération anarchique de cellules. Il n’existe à ce jour aucun médicament préventif, mais le dépistage précoce sauve des vies », a-t-elle affirmé.

Elle a insisté sur l’importance d’un mode de vie sain, rappelant que les premières règles précoces, la ménopause tardive, le manque d’allaitement, la sédentarité ou encore la consommation d’alcool peuvent accroître les risques.
« Le cancer du sein se soigne très bien lorsqu’il est détecté à temps. Des femmes en sont guéries, mariées et heureuses, le dépistage, c’est la vie », a-t-elle fait savoir.
Quand la culture influence le diagnostic
Prenant la parole à son tour, la Professeure Ruth a abordé un angle souvent négligé, celui de l’impact des croyances culturelles sur la santé.
« Chez nous, quand une femme développe un cancer, on dit souvent que c’est la sorcellerie, la jalousie ou une malédiction. On préfère aller à l’église, chez le féticheur ou appliquer des pâtes plutôt que de consulter un médecin », a-t-elle déploré.
Elle a souligné que ces perceptions retardent la prise en charge et accentuent la souffrance morale des patientes.
« Le cancer du sein n’est pas seulement une épreuve physique, c’est aussi un choc moral, familial et social. La femme malade perd souvent confiance en elle, se sent inutile ou isolée. C’est pourquoi la prise en charge psychologique doit accompagner le traitement médical », a-t-elle insisté.
Pour elle, accepter la maladie, rebondir et se battre constituent la clé pour surmonter l’épreuve et retrouver sa dignité.
La santé mentale au cœur de la guérison
Le coordonnateur de Mentalist, Robert Ndiadia, a mis en lumière le rôle crucial de la santé mentale dans le processus de guérison.
« Lorsqu’une personne apprend qu’elle a un cancer, le choc psychologique est immense. L’anxiété, la dépression et l’isolement s’installent. Le soutien social devient alors une véritable thérapie », a-t-il expliqué.
Il a ajouté que le stress chronique affaiblit le système immunitaire et peut nuire à l’efficacité du traitement.

« Le stress agit comme un virus : il ronge de l’intérieur. C’est pourquoi il faut associer les psychologues aux médecins dans la prise en charge. Le traitement ne réussit pleinement que si la personne adhère mentalement à sa guérison », a-t-il souligné.
« Arrêtons de tout attribuer au spirituel. Le cancer est une maladie réelle, qui se soigne par des moyens médicaux. Le spirituel intervient quand le naturel a été dépassé », a-t-il invité les participants à déconstruire les mythes.
Furaha Sada : « Apprenez à observer votre corps »
Médecin à l’Hôpital de la Police, le Dr. Furaha Sada a donné des conseils pratiques pour un dépistage efficace :
« Chaque matin, prenez quelques minutes devant votre miroir pour observer vos seins. La peau change, un sein devient plus gros que l’autre ou un écoulement anormal apparaît ? Consultez », a-t-elle conseillé.

Elle a également rappelé l’existence de dépistages gratuits :
« Nous organisons actuellement des dépistages gratuits à l’Hôpital de la Police. Même à partir de 25 ans, il est conseillé de se faire examiner », a-t-elle ajouté.
Avec une pointe d’humour, elle a aussi dissipé une rumeur répandue:
« Les hommes qui pensent prévenir le cancer du sein en sucant les seins se trompent complètement. La prévention, c’est l’autopalpation et le dépistage médical, pas le mythe populaire », a-t-elle recommandé.
Les étudiants engagés pour la cause
Au nom de la communauté estudiantine, le représentant du coordonnateur des étudiants de l’UNIKIN a salué la pertinence de cette activité et l’impact du message transmis :
« Nous avons compris que la prévention et le dépistage précoce sont nos meilleures armes. En tant qu’étudiants, nous devons porter ce message de solidarité dans nos milieux. Que notre engagement ne s’arrête pas ici », a-t-il affirmé.
Il s’en est suivi de la ministre du Genre de l’UNIKIN : « Cette conférence doit être le début d’une action durable ».
Clôturant la séance, la Ministre du Genre et de la Promotion de l’Étudiant de l’UNIKIN a exprimé sa gratitude envers les intervenants et les participants :
« Nous n’avons pas seulement parlé du cancer du sein, mais aussi de la femme, de l’espoir et de la responsabilité. Cette conférence ne doit pas s’arrêter à ces murs, mais ouvrir la voie à des actions concrètes pour la santé et l’autonomisation des femmes », a-t-elle déclaré.

Cela, avant d’exhorte les étudiants à poursuivre cette dynamique de sensibilisation et à faire de la prévention un réflexe collectif au sein de la jeunesse universitaire.
Entre science, culture et psychologie, cette conférence a brillamment relié la médecine moderne à la réalité congolaise.
En valorisant l’éducation, le dialogue communautaire et le soutien émotionnel, l’Université de Kinshasa s’impose comme un acteur engagé dans la lutte contre le cancer du sein.
La connaissance sauve, la solidarité guérit, et la prévention protège, telle est la conviction commune qui a émergé de cette journée.
Lydia Mangala


