ZolaNews met en lumière un mémoire engagé pour la santé et la dignité menstruelle des jeunes filles congolaises, une problématique profonde de la société congolaise.
Aujourd’hui, notre rédaction vous fait découvrir le travail courageux de Bénédicte Balengola Bombeto, étudiante à l’Université des Sciences de l’Information et de la Communication (UNISIC), au sein de la Faculté de Communication, Éducation et Développement, département de Communication pour le changement social.
Sous la direction du Professeur Marcel Kanku et la lecture du chef des travaux Eudhes Mienanzambi, elle a brillamment défendu, le 26 septembre 2025, un mémoire intitulé : « Le rôle de la communication institutionnelle dans la sensibilisation des filles de Ngiri-Ngiri sur la menstruation à Kinshasa ».
Un travail d’une grande portée sociale, qui aborde avec lucidité et humanité une réalité souvent passée sous silence : le tabou des règles dans la société congolaise.
Un sujet tabou transformé en champ de réflexion scientifique
Dans un contexte où la menstruation demeure un sujet honteux et silencieux, Bénédicte Balengola s’interroge : comment les institutions peuvent-elles utiliser la communication pour briser les tabous, éduquer et protéger la dignité des jeunes filles ?
À Kinshasa, et particulièrement dans la commune de Ngiri-Ngiri, les adolescentes souffrent encore d’un manque d’informations fiables sur la santé menstruelle, ce qui a des conséquences graves sur leur bien-être physique, mental et éducatif. Certaines manquent d’hygiène adéquate, d’autres s’absentent de l’école, et beaucoup subissent des moqueries ou des discriminations liées à leurs menstruations.
Pour y répondre, la chercheuse a choisi de se pencher sur le Réseau des Associations Congolaises des Jeunes (RACOJ), une organisation engagée dans la promotion de la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes, afin d’analyser comment sa communication institutionnelle contribue à la sensibilisation des filles sur cette question.
Un cadre théorique solide ancré dans le changement social
Son travail s’appuie sur deux grandes théories :
– La théorie du changement social, qui explique comment les institutions, à travers leurs actions de communication, peuvent influencer les comportements et contribuer à une société plus équitable ;
– La théorie de la persuasion, qui met en lumière les mécanismes psychologiques et communicationnels nécessaires pour transformer les attitudes et surmonter les résistances culturelles.
Ces approches permettent de comprendre comment la communication institutionnelle du RACOJ agit non seulement comme vecteur d’information, mais aussi comme levier d’émancipation sociale.
Une enquête de terrain au cœur de Ngiri-Ngiri : comprendre le public dans son vécu
La recherche s’est déroulée dans le quartier Diangienda, un espace caractérisé par une forte densité démographique, une diversité culturelle et des conditions de vie parfois précaires.
Pour cerner les réalités locales, Bénédicte Balengola a adopté une approche qualitative, fondée sur une étude de cas et des entretiens semi-directifs menés auprès de la responsable de communication du RACOJ.
Elle a également eu recours à l’observation directe et à l’analyse de contenu, afin d’examiner les supports, messages et stratégies utilisés dans les campagnes de sensibilisation du réseau.
Des résultats révélateurs : une communication efficace mais confrontée aux tabous culturels
Les conclusions du mémoire mettent en évidence le rôle positif et structurant du RACOJ dans la sensibilisation des jeunes filles de Ngiri-Ngiri.
– Le réseau utilise une communication institutionnelle adaptée aux réalités du milieu, fondée sur la proximité, la participation et la contextualisation linguistique et culturelle ;
– Les pairs éducateurs, véritables relais communautaires, jouent un rôle déterminant pour instaurer un dialogue ouvert avec les adolescentes ;
– Les supports visuels et oraux (affiches, discussions, ateliers) sont pensés dans un langage accessible, facilitant la compréhension et l’adhésion.
Cette approche a permis d’améliorer la connaissance des filles sur la gestion des menstrues, de réduire la honte et la peur associées aux règles, et de renforcer la confiance en soi des adolescentes.
Cependant, l’auteure note que des résistances culturelles et religieuses subsistent encore, freinant la pleine acceptation du sujet dans certaines familles et communautés.
Des recommandations pour une communication plus inclusive et durable
Pour maximiser l’impact des initiatives de sensibilisation, Bénédicte Balengola formule plusieurs propositions entre autres :
– Renforcer les campagnes communautaires sur la santé menstruelle en impliquant davantage les parents, enseignants et leaders religieux ;
– Développer des supports de communication adaptés (en langues locales, visuels et participatifs) ;
– Former les communicateurs et pairs éducateurs à une approche sensible au genre et au contexte culturel ;
– Favoriser la continuité des activités de sensibilisation, au-delà des journées symboliques ;
– Encourager la collaboration entre écoles, ONG et institutions publiques pour créer des espaces sûrs de discussion sur la menstruation.
Ces recommandations traduisent une conviction forte : communiquer, c’est éduquer et libérer.
Une contribution scientifique et sociale majeure
Le travail de Bénédicte Balengola apporte une valeur ajoutée scientifique en documentant un champ encore peu exploré en RDC : la santé menstruelle sous l’angle de la communication institutionnelle.
Il démontre que cette dernière peut devenir un outil stratégique pour l’égalité des genres, la promotion de la santé et la lutte contre les inégalités sociales.
« La communication institutionnelle, lorsqu’elle est bien structurée et participative, devient un instrument puissant pour briser les tabous et restaurer la dignité des jeunes filles », conclut la chercheuse.
En publiant ce travail, ZolaNews poursuit sa mission de donner une visibilité méritée aux jeunes chercheurs congolais qui utilisent la science et la communication pour servir le changement social.
Ce mémoire est un plaidoyer pour une société plus informée, plus inclusive et respectueuse de la dignité féminine.
Lydia Mangala


