Dans le silence recueilli de la salle de conférence de l’Institut National des Arts à Kinshasa, une seule voix s’est élevée ferme, vibrante, marquée par la douleur et la détermination.
Dolores Matumbu, directrice générale de DM Consulting et responsable des relations publiques du magazine Le Zénith, n’a pas simplement pris la parole lors du cinquième panel de la conférence Women UP ; elle a livré un fragment de son histoire, une part de son âme.
Ce panel, intitulé « La parole des survivantes : briser les silences pour sensibiliser », s’est tenu dans le cadre de la quatrième édition de Women UP, sous le haut patronage de la Générale-Major Justine Sheshi, point focal genre des FARDC.
Une survivante qui parle pour toutes les autres

« Je suis une survivante. »
C’est par ces mots simples et percutants que Dolores Matumbu a ouvert son intervention. Elle ne parlait pas en militante ou en technicienne des droits humains, mais en témoin direct une femme qui a vu, vécu et porté les blessures invisibles d’une guerre sans visage.
Originaire de l’Est de la RDC, elle a évoqué sans détour les horreurs vécues dans les zones de conflit : Goma, Moonga, les camps de déplacés lieux où l’innocence meurt et où la guerre devient un quotidien.
Une rencontre décisive : Furah

Le témoignage de Dolores prend racine dans une rencontre marquante : celle de Furah, une adolescente de 15 ans dont le nom signifie joie en swahili.
« Elle avait marché toute la nuit pour arriver jusqu’à mon bureau. Elle venait d’être violée… encore une fois. », a-t-elle dit.
Cette jeune fille blessée mais debout, est devenue pour Dolores un déclencheur. À travers elle, Dolores a trouvé une force nouvelle, une urgence de parler — non plus seulement en son nom, mais au nom de toutes les Furah du Congo.
Du traumatisme à l’engagement

À seulement 20 ans, sa voix se forgeait déjà dans le tumulte des violences. Plutôt que de se taire, elle a choisi d’agir.
Formée par le programme Sifa, elle a intégré des structures humanitaires, occupant des fonctions de direction administrative et de coordination de cellules de soutien. Elle a accompagné des femmes déplacées, des mères contraintes de vendre leur corps pour survivre, des survivantes à la recherche de dignité.
À Dar-es-Salaam, elle a aidé huit femmes à lancer un atelier. Pas des promesses, mais des actions concrètes, ancrées dans le réel.
Un plaidoyer pour l’inclusion totale

« La reconstruction ne peut être fragmentaire. On ne soigne pas des blessures avec des mots seulement. », a-t-elle expliqué.
Pour Dolores, il est urgent de construire un écosystème de soutien global : des centres d’accueil, des soins, de la formation, mais aussi un changement de regard sur les survivantes. Elle appelle gouvernements, bailleurs et citoyens à une implication tangible.
« Une femme qui se relève, c’est une communauté entière qui se redresse avec elle», dit-elle.
Elle rappelle aussi que les victimes ne sont pas toutes des femmes. Les hommes mutilés, les pères brisés, les enfants soldats doivent également être inclus dans les efforts de reconstruction.
« La violence n’a pas de genre. C’est toute la société qui doit guérir», dit-elle.
Briser le silence, un acte de paix et de justice

« Briser le silence est un acte de paix. C’est un acte politique. C’est un acte d’amour», a-t-elle ajouté.
Chaque mot posé, chaque vérité énoncée, ouvre un chemin vers la guérison collective. Dolores tend la main à toutes celles qu’on a laissées de côté, affirmant :
« La lumière jaillit dans la nuit la plus sombre. Je suis la preuve qu’on peut tomber et se relever. »
Des voix courageuses pour une paix durable

Sous la modération de la journaliste Christelle Mpongo, ce cinquième panel a été un moment de vérité brute. Pas de statistiques désincarnées, mais des récits vivants, incarnés, bouleversants.
Women UP, organisé par Le Zénith Magazine, est plus qu’un événement : c’est un espace de construction de paix à partir du vécu des femmes. Un lieu où elles exigent leur place dans les politiques de réparation, de prévention et de reconstruction.
Dolores Matumbu l’a rappelé avec force : les survivantes ne sont pas que des victimes. Elles sont bâtisseuses. Piliers. Phares dans la nuit. Des voix qu’on ne peut plus ignorer.
Lydia Mangala


