Le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), Christian Bosembe, a pris la parole, ce mardi 3 juin 2024 sur Top Congo FM, pour annoncer une nouvelle mesure qui fait déjà couler beaucoup d’encre .
Dorénavant, les médias congolais n’ont ni le droit de diffuser, ni celui de relayer, ni de commenter les activités du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) ou de Joseph Kabila lui-même.
Cette décision, qui intervient quelques jours après la levée de ses immunités parlementaires, s’inscrit dans un contexte politique tendu, et vise à empêcher que les antennes ne deviennent un vecteur de discours dits déstabilisateurs.
Une sanction médiatique au nom de la non-subversion
Christian Bosembe a expliqué que l’interdiction ne constituait pas une atteinte à la liberté de la presse, mais une précaution nécessaire pour protéger les institutions congolaises.
Il a insisté sur le fait que la télévision et la radio ne doivent pas devenir des tribunes de subversion et que les journalistes n’ont plus le droit de recevoir ni de relayer les propos des dirigeants du PPRD, ni les interviews de Joseph Kabila.
Aux professionnels des médias et aux internautes, il a intimé l’ordre de s’abstenir de diffuser toute actualité liée au parti ou à son président d’honneur.
Contexte : Kabila à Goma et accusations de complicité avec le M23
Cette mesure survient au moment où Joseph Kabila, sénateur à vie, séjourne à Goma, dans une région sous influence de l’AFC/M23. Son dernier discours public, jugé par le gouvernement déstabilisateur, a appelé à un pacte citoyen pour restaurer la démocratie en RDC.
En réaction, le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, a abondé dans le sens de la décision du CSAC, estimant que Kabila appartient désormais au passé et qu’il n’a rien à proposer pour l’avenir.
Le climat est d’autant plus tendu que la levée de l’immunité parlementaire de Kabila a ouvert la voie à des poursuites judiciaires pour complicité avec la rébellion, compte tenu de ses liens présumés avec le M23 soutenu par le Rwanda.
Réactions mitigées et craintes pour la liberté d’expression
À Kinshasa comme dans l’opposition, on s’interroge : cette interdiction ne risque-t-elle pas d’étouffer la parole politique ?
Pour de nombreux observateurs, le CSAC outrepasse son rôle de régulateur en se substituant à la justice, alors même qu’aucune condamnation formelle n’a encore été prononcée à l’encontre de Joseph Kabila.
Les syndicats de journalistes ont d’ores et déjà fait part de leur inquiétude et redoutent que la mesure n’installe un précédent dangereux, remettant en cause le droit de couvrir l’actualité politique dans son ensemble.
Certains craignent que la presse indépendante ne se mette à s’auto-censurer par peur de sanctions, alors que la campagne pour les législatives et la présidentielle de 2026 est sur le point de démarrer.
Vers un bras de fer institutionnel
Face à la grogne, le ministre Patrick Muyaya a défendu la position gouvernementale. Il a souligné que le pays a davantage besoin de réponses concrètes aux problèmes quotidiens qu’à la nostalgie d’un ancien mandat, et qu’il appartenait désormais à Kabila de comprendre le message des Congolais plutôt que de multiplier les discours.
Mais dans les couloirs de la sphère politique, on murmure que le PPRD pourrait saisir la justice pour contester la légalité de cette interdiction.
Dès lors, un nouveau front s’ouvre, celui entre le CSAC et les partis politiques, mais aussi entre le gouvernement et la presse, obligée de naviguer entre déontologie et contraintes réglementaires.
En interdisant purement et simplement toute couverture médiatique des activités du PPRD et de Joseph Kabila, le CSAC expose la volonté des autorités de maîtriser le récit politique à l’approche des échéances électorales. Mais à vouloir contrôler la parole, on prend le risque d’ouvrir une brèche pour la restriction de la liberté d’expression.
Reste à savoir si ce bras de fer entre régulateur, gouvernement et médias fera finalement taire la voix de l’ancien président, ou s’il alimentera un débat encore plus large sur l’équilibre entre sécurité institutionnelle et pluralisme démocratique.
Lydia Mangala


