Alors qu’un braquage a semé la panique à la Place Victoire, Ezechiel Bomesi signe une réflexion lucide sur le comportement des Kinois, souvent plus fascinés par le drame que préoccupés par leur propre sécurité.
À travers cette tribune, il interroge notre rapport au danger, à la curiosité et au sens du civisme dans une capitale où le spectacle du risque semble devenu banal.
Le jeudi 16 octobre, la capitale congolaise a tremblé de nouveau.
Un braquage spectaculaire s’est déroulé à l’agence Rawbank de la Place Victoire, en pleine matinée.
Le plus intriguant dans le déroulement des faits, ce n’est pas seulement l’audace des braqueurs, mais surtout le comportement que nous avons observé des Kinois, une population qui s’oublie, qui s’offre à un danger évident, fascinée par le spectacle du drame.
Alors que des tirs résonnaient et que la panique gagnait les rues, beaucoup se sont approchés, téléphones à la main, cherchant à filmer, à voir de plus près, à partager. Ce réflexe, banal dans notre quotidien connecté, en dit long sur notre rapport à la peur et à la curiosité. Là où l’instinct de survie devrait nous pousser à fuir, la curiosité nous enchaîne à la scène.
Mais que cherchons-nous exactement à voir ? Le sang ? L’action ? Ou simplement la preuve d’avoir « été là » ? À force de vouloir témoigner de tout, nous finissons par oublier l’essentiel : nous protéger.
Ce comportement n’est pas isolé. À chaque accident, incendie, ou bagarre dans nos rues, la foule se presse, se masse, filme, commente. Kinshasa devient alors une vaste scène où le danger attire plus qu’il ne repousse. Ce n’est plus la peur qui guide, mais le besoin d’assister.
Et pourtant, cette attitude témoigne d’un malaise plus profond, celui d’une population qui a fini par s’habituer à l’insécurité, au point d’en faire un spectacle. Ce n’est plus la compassion ni la prudence qui dominent, mais la curiosité, voire l’indifférence.
Il est temps que nous comprenions que chaque attroupement inutile aggrave le chaos. En se mettant en danger, le spectateur devient un fardeau de plus pour les forces de l’ordre. En filmant au lieu d’alerter, il transforme la tragédie en distraction.
Kinshasa ne manque pas de bravoure. Mais la bravoure n’est pas la témérité. Savoir reculer, se protéger, c’est aussi faire preuve de courage. Le vrai civisme n’est pas de regarder, mais de réagir avec sagesse.
Que ce drame serve de miroir.
Que chacun y voie non pas une scène à raconter, mais une leçon à retenir, dans une ville aussi vivante que la nôtre, la survie collective commence par la responsabilité individuelle.
Ezechiel BOMESI


