Ce vendredi 6 juin 2025, la salle de conférence de l’Institut National des Arts à Kinshasa a réuni de nombreuses personnalités pour la quatrième édition de la conférence internationale Zenith Women Up, organisée par Le Zénith Magazine, de Madame Michèle Kingwaya.
Placée sous le haut patronage de la Général-major Justine Sheshi, Commandant du Corps logistique et Point Focal Genre des FARDC, et de la Professeure Nicole Ntumba Bwatshia, Directrice du Cabinet Adjoint du Chef de l’État, cette rencontre avait pour thème central « Rôle de la femme dans la prévention des conflits et construction de la paix ».
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Félicien Tshimungu, Directeur Général de l’INA, a souhaité la bienvenue aux participants, soulignant l’importance de l’initiative pour la promotion du dialogue et de la cohésion sociale.
Michèle Kingwaya, initiatrice de la conférence, a ensuite rappelé la genèse du projet et l’ambition de faire entendre la voix des femmes dans tous les espaces de décision.
La Général-major Justine Sheshi a pris la parole pour déclarer ouverte cette quatrième édition, soulignant que la paix se construit aussi grâce à l’engagement de chaque femme et de chaque homme.
Panel central : « Rôle de la femme dans la prévention des conflits et construction de la paix »
Le panel central a réuni des expertises variées pour poser le cadre du débat. Joséphine Mawete, journaliste, en a assuré la modération avec brio, apportant rigueur et clarté à chaque prise de parole.
Annie Bomboko, Présidente de la Fondation Annie Bomboko et Maire honoraire de la ville de Mbandaka, a partagé son expérience de chef d’orchestre au service des femmes rurales, expliquant comment elle a initié des programmes de microcrédit et de formation en leadership afin que les femmes participent activement à la prévention des violences dans sa région.

Florence Boloko, Directrice au Ministère du Genre, de la Famille et de l’Enfant, a détaillé les politiques publiques récemment adoptées pour intégrer la dimension genre dans les stratégies de réponse aux crises, insistant sur la nécessité de mobiliser davantage d’acteurs institutionnels pour garantir la protection des femmes dans les zones fragiles.
Enfin, Lydie Ngalula Makelele, magistrate et Conseillère Principale auprès du Président de la Cour Constitutionnelle, a mis l’accent sur le rôle fondamental de la justice dans la construction d’une paix durable, rappelant que chaque fois qu’une femme est protégée par l’État de droit, c’est toute une communauté qui se renforce.
L’intervention de ce trio d’oratrices a permis de dégager une vision commune, celle qui stipule que pour prévenir les conflits et consolider la paix, il faut à la fois favoriser l’autonomisation économique, renforcer les instruments juridiques et faire entendre la voix des femmes dans les processus décisionnels.
Panel 1 : Le rôle des lois et des institutions dans la protection des femmes

Ce premier panel, consacré au rôle des lois et des institutions dans la protection des femmes, a mis en lumière la nécessité d’un cadre juridique renforcé et d’institutions engagées pour garantir la sécurité, la dignité et les droits fondamentaux de toutes les femmes.
Au cours de cette session modérée par Dolorès Matundu, CEO DM Consulting, directrice des relations publiques de Zénith Magazine, Point focal Paris de Zénith Magazine, les participants ont pu mesurer le décalage entre les textes existants et leur application sur le terrain.
Chantal Ngoyi Tshite Wetshi, ancienne Directrice de Cabinet au Conseil National de Sécurité, a rappelé que, malgré l’existence de lois favorables à la parité et à la protection contre les violences, les mécanismes de suivi restent trop faibles.
Nadine Katumbwe, Directrice Provinciale de FONER au Tanganyika, a décrit le quotidien des femmes victimes de déplacements forcés, qui voient leurs droits bafoués faute de voies de recours efficaces.
Ensemble, les intervenantes ont souligné qu’un audit régulier des institutions et la mise en place de cellules de veille juridique seraient essentiels pour faire respecter les textes.
Panel 2 : La communication politique face aux enjeux de genre

Le deuxième panel, portant sur la communication politique face aux enjeux de genre, a souligné l’urgence d’un discours sensible capable d’influencer positivement les dynamiques sociales et de prévenir les fractures susceptibles d’alimenter les conflits.
Animé par Christelle Mpongo, Éditrice Générale de Femme d’Afrique Magazine, ce débat a mis en évidence le rôle déterminant des médias et des porte-parole politiques.
La Professeure Madeleine Mbongo Pasi, Secrétaire Générale Administrative à l’UNISIC, a expliqué qu’il était urgent de former les communicants publics pour qu’ils intègrent systématiquement la dimension genre dans leurs messages.
Le Professeur Léon Martin Mbembo, quant à lui, a montré à travers des exemples de zones post-conflit que certaines tournures de discours peuvent raviver d’anciennes blessures.
Ensemble, ils ont insisté sur la nécessité de créer un référentiel de bonnes pratiques pour guider les attachés de presse et les conseillers politiques.
Panel 3 : Matières premières : richesse ou facteur de précarité pour les femmes ?

Ce troisième panel a interrogé le paradoxe des ressources naturelles : comment celles-ci, si convoitées, peuvent-elles être à la fois sources de richesse et facteurs de précarité pour les femmes, surtout en zone de conflit ? »
La journaliste Arlette Matondo a modéré cette discussion en rappelant que l’exploitation minière fait peser des risques énormes sur les communautés locales.
Mireille Muyuka Ilofo, responsable des archives au Cadastre minier, a expliqué que, malgré le Code minier révisé, les femmes sont souvent privées d’accès à l’information et aux revenus liés à l’exploitation.
L’ambassadeur Atundu Liongo, ancien président du conseil d’administration de la SNEL, a souligné que les contrats miniers manquent de clauses sociales fortes et qu’il est urgent d’inclure des dispositions spécifiquement dédiées aux coopératives féminines, afin de leur garantir une juste part des ressources et des formations professionnelles.
Panel 4 : Précarité économique et vulnérabilité des femmes

Le quatrième panel s’est penché sur la précarité économique des femmes : il a mis en exergue le lien direct entre indépendance économique et résilience, entre autonomisation et prévention de la violence.
Sous la modération de la journaliste Joséphine Mawete, la Général-major Justine Sheshi est revenue sur l’expérience des FARDC qui ont mis en place des programmes d’insertion pour les épouses des militaires déplacés. Elle a insisté sur le fait qu’un franc investi dans l’autonomisation d’une femme renforce la stabilité de toute une famille.
Cécile Bansoba, Directrice de l’Audit à la SNCC, a expliqué que, dans le secteur ferroviaire, permettre aux entrepreneures rurales d’accéder au réseau de transport à moindre coût peut transformer leurs activités. Elle a insisté sur la création de guichets uniques dans chaque province pour simplifier l’accès aux subventions et aux formations.
Panel 5 : La parole des survivantes : briser les silences pour sensibiliser

Le cinquième et dernier panel, poignant, a donné la parole aux survivantes qui, en brisant le silence, nous ont rappelé combien la reconnaissance de la souffrance, la justice réparatrice et la sensibilisation sont fondamentales pour reconstruire la paix.
Modéré, une seconde fois,par Christelle Mpongo, ce dernier atelier a mis en lumière quatre parcours de résilience.
Prudence Kiyayu, conseillère au Ministère de la Jeunesse, a raconté comment elle est devenue volontaire pour accompagner les jeunes femmes déplacées après avoir fui les violences dans la région de Beni.
Solange Odra, actuelle DGA de Transco, a expliqué son combat judiciaire pour obtenir réparation et souligné l’importance d’une cellule psychologique dans chaque grande entreprise pour accueillir les victimes à l’exemple du FONAREV.
Dolores Matumbu a montré comment, à travers sa société de communication, elle valorise désormais les récits des survivantes pour sensibiliser l’opinion.
Enfin, Ndagbia Mobutu a présenté le projet « Aya » d’Azyekos, qui forme des pairs-conseillères dans les zones rurales afin qu’aucune femme ne se sente isolée face à l’horreur.
L’intermède musicale de tous ces moments a été assuré par l’orchestre de l’Institut National des Arts (INA).
Enjeux et perspectives
En clôture, la Général-major Justine Sheshi a transmis sa conviction renouvelée :

« Tant que des espaces comme Zenith Women Up existeront, la voix des femmes ne sera jamais marginale, elle sera fondatrice. »
Elle a remercié les intervenantes, les modératrices et chaque participant pour leur présence fidèle et leur engagement. Chacun a montré que, lorsque la parole se libère, les idées peuvent germer et éveiller les consciences.
Avant de clore officiellement la quatrième édition, elle a annoncé que la cinquième édition se tiendra au Tanganyika à la fin septembre 2025, afin de poursuivre le travail entamé et de faire entendre davantage la voix des femmes à travers le pays.
Des lois aux institutions, de la communication politique aux enjeux économiques, en passant par le témoignage des survivantes, chaque panel a contribué à dessiner des pistes concrètes pour renforcer l’autonomisation féminine et prévenir les conflits.
Les recommandations issues de ces échanges doivent désormais se transformer en actions concrètes portées par les institutions publiques, les acteurs de la société civile, mais aussi chaque citoyen.
Car, comme l’a rappelé la Général-major Sheshi, la parole des femmes est fondatrice et continue d’apporter des solutions pour construire une paix durable et inclusive.
Lydia Mangala


