Alors que Goma peine encore à panser ses plaies, la Haute Cour Militaire s’est penchée, ce jeudi 13 mars 2025, sur un dossier qui fait grand bruit au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et de la Police Nationale Congolaise (PNC).
Cinq généraux, dont deux issus de la police et trois de l’armée, comparaissent pour « lâcheté », « perte d’effets et de munitions », « incitation des militaires à commettre des actes contraires à la discipline » et « violation des consignes ».
Des officiers au profil académique solide
Fait remarquable : tous les prévenus, parmi lesquels figure le vice-gouverneur du Nord-Kivu, disposent de parcours universitaires aboutis. Certains auraient même suivi des formations en Europe, à l’instar du vice-gouverneur qui aurait étudié à Liège.
Une preuve, pour certains observateurs, que le haut degré d’instruction n’immunise pas contre d’éventuelles fautes graves dans l’exercice des fonctions régaliennes.
Le huis clos exigé, des journalistes sous contrôle
Au début de l’audience, l’auditeur général des Forces Armées, le lieutenant-général Likulia, a requis le huis clos. Les journalistes présents ont dû se soumettre à une identification stricte menée par le président de la Haute Cour Militaire, démontrant la sensibilité et l’ampleur de ce procès.
Malgré cette volonté de discrétion, la présence remarquée du ministre de la Justice, Constant Mutamba, témoigne de l’attention particulière que le gouvernement accorde à cette affaire.
Cinq généraux et un même grief : la fuite face à l’ennemi
La Haute Cour Militaire s’est focalisée sur les officiers ayant servi à Goma au moment des faits, à savoir :
1. Le commandant de la 34ᵉ région militaire (Nord-Kivu), le général-major Alengbia Nyitetesya Nzambe Dieu Gentil.
2. Le vice-gouverneur du Nord-Kivu.
3. Le commandant de la 11ᵉ brigade URR (axe Sake).
4. Le commissaire provincial de la Police au Nord-Kivu.
5. Le conseiller du gouverneur chargé de la sécurité publique et de l’ordre.
Leur chef d’accusation principal : avoir pris la fuite après s’être emparés d’un bateau appartenant à l’homme d’affaires Vanny Bishweka, abandonnant ainsi leurs troupes et leur matériel sur le terrain.
Les officiers auraient contrevenu à une consigne expresse du président Félix Tshisekedi et du chef d’état-major de l’armée, laquelle visait à tenir les positions coûte que coûte.
Une instruction scrutée de près
Le parquet militaire insiste sur la gravité des faits : l’abandon de troupes, d’armements et de munitions en zone sensible. L’accusation entend prouver que cette attitude constitue une trahison de la confiance placée en ces hauts gradés.
Le vice-gouverneur, considéré comme le « lecteur » ou l’exécutant des directives présidentielles, est également poursuivi pour avoir enfreint les consignes qui lui étaient confiées.
Dans un souci d’équité, le président de la Haute Cour Militaire a appelé chaque officier à s’exprimer clairement sur ses responsabilités dans cette « Chute de Goma ».
Les avocats de la défense, quant à eux, tentent de démontrer que les faits sont plus nuancés qu’il n’y paraît, invoquant notamment la confusion sur le terrain et la nécessité d’une réorganisation tactique.
Un enjeu politique et militaire
Au-delà du simple cadre juridique, ce procès revêt une dimension politique certaine. Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, suit personnellement l’évolution des audiences, marquant ainsi la volonté de l’exécutif d’assainir les rangs des forces de défense et de sécurité.
Pour les observateurs, l’issue de ce procès pourrait influer sur l’image des FARDC et de la PNC, déjà confrontées à divers défis sécuritaires dans l’Est de la RDC.
Conclusion : un verdict attendu
La Haute Cour Militaire entend mener les débats avec rigueur, dans le respect du droit, tout en tenant compte des circonstances exceptionnelles qui entourent la « Chute de Goma ». Le sort de ces cinq généraux pourrait inaugurer un tournant décisif dans la manière dont la hiérarchie militaire et policière répond de ses actes face à la justice.
Alors que le procès se poursuit, l’opinion publique congolaise reste suspendue à la décision finale : la fermeté de la sanction sera-t-elle à la hauteur des accusations ? La réponse devrait éclairer les intentions réelles des autorités quant à la réforme et la responsabilisation des cadres supérieurs de l’armée et de la police.
Lydia Mangala


