L’institut congolais de recherche Ebuteli a publié ce vendredi 24 octobre 2025 sa première note thématique de la série sur les réformes institutionnelles, intitulée « Attributions ministérielles en RDC : sortir du flou pour améliorer l’efficacité de l’action gouvernementale ».
L’étude pointe un problème récurrent depuis 2019 sur les ordonnances ministérielles, qui devraient définir clairement les périmètres et responsabilités de chaque ministre, accusent des retards ou ne reflètent pas la configuration actuelle des gouvernements.
Ce flou institutionnel engendre confusion, chevauchements et conflits entre ministères, fragilisant la cohérence de l’action publique et rendant difficile l’évaluation de l’efficacité des ministres par le Parlement et la société civile.
Des ordonnances en retard qui compromettent l’action gouvernementale
Depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, cinq gouvernements se sont succédé, mais les ordonnances fixant les attributions des ministères n’ont jamais été publiées en temps utile.
Le gouvernement Suminwa II, installé début août 2025, fonctionne aujourd’hui sans ordonnance actualisée, alors que de nouveaux ministères ont été créés et d’autres fusionnés.
Selon Ebuteli, cette situation n’est pas un simple retard administratif mais elle transforme le fonctionnement du gouvernement en un système de suppléance où les arbitrages se font par instructions ponctuelles ou lettres de mission, concentrant de facto le pouvoir dans les mains du Premier ministre et brouillant les responsabilités constitutionnelles.
Chevauchements de compétences et conflits internes
Le manque de clarté a déjà provoqué des conflits concrets. L’exemple du détachement de la Décentralisation du ministère de l’Intérieur en 2023 illustre le problème dans lequel deux ministres revendiquaient la compétence pour la nomination des chefs de secteur, entraînant un affrontement jusqu’à l’arbitrage du Conseil d’État.
Ebuteli souligne également les chevauchements fréquents entre ministères aux périmètres proches, comme l’Urbanisme et les Affaires foncières, ou encore dans les portefeuilles émergents du Numérique et de l’Économie du numérique, où la superposition des missions crée un risque de conflits opérationnels et de duplication des programmes.
La présidence, un gouvernement parallèle
La note met en lumière la multiplication des agences et services rattachés à la présidence, qui interviennent parfois dans des domaines déjà couverts par des ministères de plein exercice.
L’Agence congolaise de la transition écologique et du développement durable (ACTEDD) ou les services spécialisés en charge de la jeunesse et de la lutte contre les violences faites à la femme illustrent ce phénomène.
Cette concentration des leviers d’action au cabinet présidentiel brouille les chaînes de responsabilité et fragilise l’imputabilité politique.
Des pistes concrètes pour réformer le système
Pour sortir de cette situation, Ebuteli propose plusieurs réformes entre autres :
– Encadrer la publication des ordonnances d’attributions : instaurer un délai maximal, par exemple 30 jours après la formation d’un gouvernement, pour garantir la cohérence dès le début du mandat ;
– Clarifier le statut des ministres délégués : préciser leurs missions pour éviter les zones grises, tout en maintenant leur rôle stratégique ;
– Recentrer les services de la présidence : limiter leur intervention à la planification et au suivi stratégique, laissant l’exécution au gouvernement;
– Instituer un mécanisme interne de règlement des conflits : s’appuyer sur la hiérarchie protocolaire pour résoudre rapidement les différends sans recourir systématiquement aux juridictions ;
– Rationaliser la taille et la structure du gouvernement : introduire un plafond constitutionnel pour limiter la multiplication des ministères et adopter un modèle de coordination intégrée (« 1+4 ») pour renforcer l’efficacité et la cohésion.
Vers une meilleure lisibilité et redevabilité de l’action publique
Ebuteli rappelle que le flou institutionnel n’est pas une fatalité et qu’il est possible de renforcer la sécurité juridique, la cohérence gouvernementale et la redevabilité face aux citoyens.
La série Réformes institutionnelles, soutenue par le projet Talatala+ et la National Endowment for Democracy (NED), vise à rapprocher les citoyens de la gouvernance publique et à outiller les décideurs pour repenser les institutions congolaises à l’aune de principes d’efficacité et de responsabilité.
Pour plus d’informations, Ebuteli reste disponible à Kinshasa et Goma (bureau momentanément fermé) et via le site web https://ebuteli.org ou X (ex-Twitter) : @ebuteli.
Lydia Mangala


