Kinshasa, 6 octobre 2025, invité à Kinshasa dans le cadre d’un échange autour du film Muganga, le prix Nobel de la paix Dr Denis Mukwege a livré un message poignant sur les violences sexuelles utilisées comme armes de guerre en République démocratique du Congo, tout en dénonçant le pillage systématique des ressources du pays dans l’indifférence générale.
Dans un message publié sur son compte X (ancien Twitter), le célèbre gynécologue et militant des droits humains a d’abord remercié l’équipe de réalisation de “Muganga” ainsi que le collectif Pona Congo pour leur invitation à ce moment de réflexion. Selon lui, ce film constitue « un cri d’alarme » face à l’usage stratégique du viol comme moyen de domination :
« Ce film nous interpelle sur l’utilisation du viol comme arme de guerre, une tactique méthodique visant à profaner notre identité sociétale et à nous assujettir pour exploiter nos ressources naturelles », a-t-il déclaré.
Du caoutchouc aux minerais : une exploitation sans fin
Dr Mukwege a dressé un parallèle bouleversant entre l’exploitation coloniale passée et les nouvelles formes de prédation économique qui ravagent aujourd’hui la RDC.
« Autrefois, les pneus qui roulaient à travers le monde étaient gonflés par l’air de souffrance de nos ancêtres. Aujourd’hui, le boom du caoutchouc a cédé la place aux minerais stratégiques. Chaque smartphone, chaque batterie électrique, est alimenté par le sang de la population congolaise », déplore-t-il.
Il dénonce une injustice criante : alors que les grandes puissances profitent des richesses congolaises pour alimenter leurs révolutions industrielles et technologiques, la population locale continue de payer le prix fort en vies humaines et en souffrances.
« Il est inadmissible que la richesse de notre sol continue d’assouvir l’avidité vorace du monde tout en nous laissant dans le deuil », martèle-t-il.
« Notre douleur mérite la même attention »
Dans un contexte international où les conflits en Ukraine ou au Moyen-Orient suscitent une mobilisation massive, le Dr Mukwege regrette que la tragédie congolaise soit reléguée à l’arrière-plan :
« La souffrance des populations congolaises n’est ni plus ni moins légitime que celle que l’on observe ailleurs et mérite la même attention », rappelle-t-il avec force.
Un appel à l’unité et à la résistance
Dans un dernier cri du cœur, le « réparateur des femmes » appelle à dépasser les divisions politiques pour sauver l’avenir du pays.
« Peuple congolais, notre maison commune brûle ! Il est urgent de surpasser les clivages politiques pour nous réveiller, nous indigner et agir dans un élan de solidarité nationale. Nous devons préserver ce sol pour lequel nos ancêtres se sont battus, appeler le monde à reconnaître enfin notre souffrance et mettre fin à cette énième guerre d’agression et d’occupation imposée par le Rwanda », conclut-il.
Par ce discours puissant, Denis Mukwege rappelle que la lutte pour la dignité et la souveraineté du Congo ne se gagnera ni dans l’indifférence ni dans la division, mais dans l’unité, la mobilisation et la conscience collective.
Joséphine Mawete


