Les propositions de Denis Mukwege, reconnu internationalement pour son engagement en faveur de la paix, dessinent une vision audacieuse pour sortir de l’impasse qui fragilise la République démocratique du Congo.
En abordant le conflit non pas comme une simple crise interne mais comme une problématique aux dimensions internationales, Mukwege appelle à repenser la manière dont la paix peut être instaurée durablement dans un contexte où s’entremêlent enjeux géopolitiques et intérêts économiques.
Reconnaissance de la dimension internationale
Mukwege insiste sur le fait que le conflit en RDC ne peut être analysé isolément.
– Interconnexions régionales et globales :
Le conflit mobilise non seulement le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, mais également les pays de la SADC et de l’EAC. De plus, les intérêts stratégiques liés aux minerais congolais – essentiels à la transition numérique, énergétique, ainsi qu’aux industries de défense et du spatial, impliquent de puissantes nations et acteurs économiques internationaux.
– Implication économique et géostratégique:
Ces enjeux imposent d’intégrer une dimension internationale à toute initiative de paix, afin d’éviter des solutions unilatérales qui risqueraient de perpétuer l’instabilité.
Critique de la réduction du conflit à une crise interne
Mukwege avertit que réduire le conflit à une affaire domestique constitue une erreur de diagnostic :
– Négociations bilatérales insuffisantes:
Dialoguer directement avec le groupe rebelle M23 sans un cadre international approprié revient à ignorer les réalités du terrain, et risque de légitimer l’agression.
– Les dangers d’un isolement politique:
Une approche purement bilatérale ne prend pas en compte l’ingérence étrangère et les enjeux économiques liés aux ressources naturelles, compromettant ainsi toute perspective de paix durable.
La Conférence Internationale pour la Paix en RDC
Pour inverser la dynamique actuelle, Mukwege propose la convocation d’une Conférence internationale pour la paix :
– Objectifs de la conférence:
Revitaliser l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba et créer une plateforme de dialogue à haute visibilité, rassemblant les acteurs nationaux, régionaux et internationaux.
– Feuille de route et mobilisation des ressources :
Ce sommet servirait à définir des actions concrètes pour instaurer une paix durable, tout en mobilisant les ressources politiques, économiques et humanitaires nécessaires à la reconstruction de la nation.
– Garantie de la souveraineté:
Dans cette optique, il est crucial de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, principes fondamentaux pour éviter toute dérive vers la fragmentation ou l’annexion de régions stratégiques, telles que les Kivus.
Renforcement des mécanismes de suivi
Pour que la paix ne soit pas qu’un idéal lointain, Mukwege préconise un suivi rigoureux des engagements pris :
– Application de la Résolution 2773 de l’ONU :
Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel doit être instauré, exigeant le retrait des forces extérieures, en particulier la Force de défense rwandaise, et la fin de tout soutien au M23.
– Mécanismes de contrôle:
La revitalisation des dispositifs de suivi de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba est essentielle pour garantir que chaque engagement soit respecté, impliquant des co-garants internationaux et un contrôle constant.
Conditions pour des négociations directes
Mukwege précise que toute négociation directe ne peut intervenir qu’après la consolidation d’un cadre international solide :
– Un cadre international renforcé:
Avant d’engager des discussions avec le M23, il faut organiser un Sommet International de haut niveau pour clarifier les responsabilités et établir des règles de négociation incluant l’ensemble des acteurs – groupes armés, société civile, partis politiques et gouvernement congolais.
– Respect des principes africaines :
Les négociations devront impérativement se conformer aux principes de la charte de l’Union Africaine, garantissant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC.
Un avertissement contre les erreurs du passé
Enfin, Mukwege met en garde contre la répétition des compromis qui ont déjà fragilisé la nation :
– Préserver la souveraineté nationale:
Il est impératif d’éviter des compromis hâtifs qui pourraient légitimer la balkanisation ou l’annexion de territoires essentiels à l’identité et à l’intégrité de la RDC.
– Une démarche de long terme :
Chaque décision doit être envisagée dans l’intérêt supérieur du peuple congolais, garantissant ainsi que les générations futures ne soient pas privées de leur droit fondamental à la paix et à l’autodétermination.
Les idées de Denis Mukwege, le prix Nobel de la paix, offrent une perspective novatrice pour sortir de l’impasse du conflit en RDC.
En reconnaissant la dimension internationale de la crise, en critiquant les approches purement bilatérales et en appelant à une mobilisation collective autour d’une Conférence internationale, Mukwege propose un plan d’action ambitieux et réaliste.
Ce chemin, fondé sur la revitalisation des mécanismes de suivi et l’établissement d’un cadre de négociation inclusif, représente la meilleure chance d’instaurer une paix durable et de redonner à la RDC son droit légitime à la souveraineté et à la stabilité.
Lydia Mangala


