Lors du cinquième panel de la 4ᵉ édition de Women Up, organisé à l’Institut National des Arts de Kinshasa, le thème « La parole des survivantes : briser les silences pour sensibiliser » a donné lieu à des témoignages puissants et engagés.
Modéré par la journaliste Christelle Mpongo, ce panel a permis à plusieurs figures féminines de dénoncer les violences faites aux femmes et de plaider pour une société plus inclusive. Parmi elles, Solange Odra, directrice générale adjointe de TRANSCO, a livré une intervention forte, mêlant lucidité, empathie et appel à la transformation collective.
Le viol, une arme contre les communautés

Dès les premières minutes, Solange Odra a rappelé que le viol n’est pas seulement un acte de barbarie individuelle, mais une stratégie délibérée de destruction sociale.
« Derrière chaque femme violentée, ce sont des familles disloquées, des identités déchirées, des communautés traumatisées. », a-t-elle déclaré.
Elle souligne que les survivantes ne sont pas que des victimes : elles sont aussi des combattantes. Malgré les stigmates, la honte, le rejet et le silence imposé, elles continuent à avancer dans une société qui peine encore à reconnaître leur douleur.
Parler, un acte de résistance
Pour Solange Odra, prendre la parole n’est pas un simple témoignage. C’est une forme de résistance, un acte de dignité et un levier de changement.
« Ces femmes ne se taisent pas par choix, mais parce que la société leur intime de cacher leur douleur. », expliqua-t-elle.
Elle évoque une session organisée avec le Fonds de Réparation (FONAREV), durant laquelle plusieurs survivantes ont témoigné :
« Toute la salle était en larmes. Parce qu’en écoutant leurs récits, on ne peut plus détourner les yeux. », a-t-elle affirmé.
Selon elle, chaque témoignage transforme des chiffres abstraits en visages humains. Elle rappelle que les 129 000 cas de viol recensés ne sont que la partie visible de l’iceberg :
Une parole qui appelle à l’action

Au-delà de l’émotion, Solange Odra insiste sur la portée politique des témoignages. Les survivantes, dit-elle, ne demandent pas seulement à être entendues. Elles réclament des actions concrètes : justice, protection, réparation et inclusion.
« Ce sont elles qui, malgré tout, soutiennent, réconfortent et reconstruisent. Ce sont les gardiennes de la paix. », a-t-elle dit.
Leurs voix ne sont pas des cris de douleur, mais des appels au changement. Elles doivent être au cœur des politiques publiques et des processus de paix.
Ce qu’il faut faire : bâtir un écosystème de soutien

Solange Odra appelle à la création d’espaces sûrs, où les survivantes peuvent parler librement, sans peur de stigmatisation ou de représailles. Elle plaide pour un accompagnement médical, psychologique et juridique, ainsi qu’un soutien institutionnel renforcé par des structures comme le FONAREV, créé en 2022.
Elle insiste sur la nécessité de poursuivre les auteurs de violences, de rompre l’impunité, mais aussi d’impliquer les femmes dans les processus de reconstruction. Trop souvent, elles sont écartées des négociations de paix, alors qu’elles en subissent directement les conséquences.
« On négocie ici, on négocie là, mais les femmes ne sont pas à la table. Pourtant, ce sont elles qui vivent la guerre au quotidien. », souligna-t-elle.
En somme, Solange Odra a livré un message à la fois poignant et politique :
« Briser le silence, c’est aussi briser l’exclusion. », dit-elle.
Tant que les survivantes seront réduites au silence, aucune paix véritable ne sera possible. Leurs voix sont indispensables pour reconstruire une société plus juste, plus humaine et plus forte.
« Écouter les survivantes, ce n’est pas leur faire une faveur. C’est reconnaître leur force, leur courage, et leur rôle essentiel dans notre avenir commun», a-t-elle confié.
À travers son plaidoyer, Solange Odra appelle à un changement de regard, à transformer la compassion en action, et à faire de la parole des femmes une priorité politique. Car dans ces voix résonne non seulement la souffrance, mais aussi la vérité, la résilience et l’espoir d’une société véritablement réconciliée avec elle-même.
Lydia Mangala


